Histoire de l’ALD
1910: Rétrospectivement, Haberfeld et Spieler firent dès 1910 la première description clinique d’un patient atteint d’une adrénoleucodystrophie liée à l’X (Haberfeld et Spieler, 1910). Un garçon de 6 ans en bonne santé développa une peau profondément bronzé (hyperpigmentation), une acuité visuelle diminuée, et une baisse de son niveau scolaire. Dans les mois qui suivirent, ce garçon devint incontinent, perdit le langage et développa une tétraparésie spastique, qui progressa finalement vers une perte de la marche. Il fut hospitalisé à l’âge de 7 ans, et décéda 8 mois plus tard. Son frère aîné était mort d’une maladie semblable à l’âge de 8 ans. Un examen histologique du cerveau post mortem révéla d’importants changements dans la substance blanche du cerveau, combinée à une accumulation péri-vasculaire de lymphocytes et des cellules plasmatiques dans le système nerveux, indiquant une réponse inflammatoire.
1923: Siemerling et Creutzfeld ont rapporté le cas d’un garçon avec une progression similaire de la maladie, comprenant une peau bronzée et des résultats d’examens neuropathologiques comme décrits par Haberfeld & Spieler en 1910, mais avec également une atrophie du cortex surrénalien.
1963: A cette époque, neuf cas comparables avaient été signalés. Le fait que tous les patients soient des hommes suggéra une transmission récessive liée à l’X (Fanconi et al, 1963).
1970: Le nom adrénoleucodystrophie vient de l’association caractéristique d’une leucodystrophie avec une insuffisance surrénalienne primaire (adrénocorticale) (Blaw, 1970).
1972: Le point de départ de toute les découvertes ultérieures sur la maladie a été l’observation faite par Powers, Schaumburg, et Johnson que les cellules surrénales des patients atteint d’ALD contenaient des inclusions lipidiques caractéristiques (gouttelettes de graisse), suivi par la démonstration que ces gouttelettes de graisse consistaient en esters de cholestérol contenant un excès surprenant et caractéristique d’acides gras à très longue chaîne (AGTLC).
1976: Une forme de la maladie progressant plus lentement et caractérisée par une insuffisance surrénalienne, une myélopathie et une neuropathie périphérique, a été décrite chez l’adulte (Budka et al, 1976). Un an plus tard, cinq autres cas ont été signalés par Griffin et al. qui a proposé que cette présentation clinique de l’ALD soit nommée adrénomyéloneuropathie (AMN) (Griffin et al. 1977; Schaumburg et al.1977).
1981: L’identification des AGTLC comme biomarqueurs de l’ALD a conduit à la mise au point d’un test de diagnostic pour l’ALD basé sur la mise en évidence des taux élevés d’ AGTLC dans les cellules de la peau en culture (fibroblastes), dans le plasma, dans les globules rouges et dans les amniocytes (Moser et al. 1981). Ces tests permettent un diagnostic postnatal et prénatal précis. Des études métaboliques ont démontré que les AGTLC sont métabolisés (par bêta-oxydation) exclusivement dans des organites intracellulaires appelés peroxysomes et que cette oxydation des AGTLC est diminuée dans les fibroblastes des patients atteints d’ALD (Singh et al 1981). Par conséquent, l’ALD est une maladie péroxysomale.
1981: Le locus de l’ALD a été localisé sur l’extrémité du bras long du chromosome X, en Xq28 (Migeon et al. 1981).
1982: La première greffe de moelle osseuse (GMO) a été réalisée chez un garçon ayant une ALD cérébrale. Une GMO allogénique prélevée chez son frère, donneur sain HLA identique, a été réalisée chez un garçon de 13 ans ayant une ALD progressant rapidement. La greffe et la récupération hématologique complète ont eu lieu en 4 semaines. Dix jours après la GMO, les taux d’AGTLC et l’activité enzymatique des globules blancs sont devenus normaux ; après 3 mois, il y a eu une réduction progressive des taux plasmatiques d’AGTLC légèrement supérieurs à la normale. Mais la détérioration neurologique a continué. Le patient est décédé d’une infection à adénovirus 141 jours après la GMO.
1986: Rizzo et al. ont démontré que l’addition d’acide oléique (C18:1) dans le milieu de culture normalise les niveaux d’AGTLC saturés dans des fibroblastes cutanés provenant de patients ALD mis en culture. Ces résultats ont servi de base pour le développement de l’huile de Lorenzo. Le traitement des patients atteints d’ALD avec l’huile de Lorenzo normalise les taux plasmatiques en AGTLC en 4 semaines (Moser et al. 1987). Plusieurs essais ouverts ont montré que l’huile de Lorenzo ne permet pas d’améliorer les fonctions neurologiques ou endocriniennes ni d’arrêter la progression de la maladie. Malheureusement, l’efficacité clinique de l’huile de Lorenzo n’a jamais été évaluée dans un essai clinique contrôlé de façon appropriée par placebo. En 2001, le professeur Hugo Moser a écrit: «Notre point de vue est que la thérapie par l’huile de Lorenzo ne se justifie pas chez la plupart des patients qui ont déjà des symptômes neurologiques. Le bénéfice clinique de l’huile de Lorenzo est au mieux limité”.
1990: L’équipe du Pr. Patrick Aubourg a réalisé la première greffe de moelle osseuse (GMO) réussie (Aubourg et al, 1990). Ils ont greffé un garçon de 8 ans présentant des signes neurologiques et neuropsychologiques modérés, et des anomalies modérées en IRM. Son faux jumeau sain était le donneur. Le patient a complètement récupéré et les anomalies neurologiques, neuropsychologiques, et mises en évidence à l’IRM, ont disparues. Lorsqu’elle est effectuée au stade le plus précoce de la démyélinisation cérébrale, une greffe de cellules de moelle osseuse ou de cellules souches hématopoïétiques (GCSH) peut stabiliser ou même inverser la démyélinisation cérébrale chez les garçons ou les adolescents atteints d’ALD.
1993: Une équipe dirigée par les Drs. Mandel et Aubourg a identifié par clonage positionnel le gène responsable de l’ALD (ABCD1) (Mosser et al. 1993). L’identification du gène de l’ALD a permis la détection des mutations responsables de la maladie, le diagnostic prénatal et l’identification des porteurs sains de la maladie.
1997: Trois laboratoires ont décrit la génération d’un modèle murin d’ALD (Forss-Petter et al. 1997; Kobayashi et al. 1997; Lu et al. 1997). Alors que la souris ALD présente les mêmes anomalies biochimiques que celles observées chez les patients, elle ne développe pas une ALD (Pujol et al. 2002).
1999: La base de données ALD a été créée par Hugo Moser et Stephan Kemp. Initialement, cette base a uniquement servi comme registre de toutes les mutations identifiées dans le gène ABCD1, mais elle a été rapidement élargie pour fournir des informations sur de nombreux aspects de l’ALD.
2001: Il a été rapporté et établi que l’ALD affecte tous les groupes ethniques et qu’il s’agit du trouble péroxysomal le plus courant avec une incidence estimée à 1: 17.000 (hommes et femmes confondus) (Bezman et al. 2001). Cela fait de l’ALD la leucodystrophie héréditaire la plus fréquente.
2005: Biochimiquement, l’ALD est non seulement caractérisée par un défaut de la dégradation des AGTLC dans les peroxysomes, mais aussi par une augmentation de l’allongement ultérieur de la chaîne des AGTLC (Kemp et al. 2005).
2006: L’équipe dirigée par le Dr Ann Moser a développé une méthode d’analyse à haut débit des AGTLC (utilisant C26:0 – LysoPC comme métabolite diagnostic) utilisable sur les taches de sang séché (Hubbard et al. 2006). Ces progrès dans le dépistage des AGTLC permettent d’ajouter l’ALD aux programmes de dépistage néonataux.
2009: Une équipe dirigée par les Drs. Cartier et Aubourg a traité avec succès par thérapie génique deux garçons de 7 ans ayant des signes précoces d’ALD cérébrale (Cartier et al. 2009). Les scans cérébraux en IRM et les tests cognitifs ont montré un arrêt de la progression de la maladie cérébrale 14 à 16 mois après le traitement. Ce qui est comparable aux résultats cliniques de la GCSH.
2010: L’équipe de recherche du Dr. Stephan Kemp a établi que l’ALDP transporte les AGTLC à travers la membrane des peroxysomes. Une carence en ALDP a deux effets majeurs : d’une part elle porte atteinte à la dégradation des AGTLC dans les peroxysomes, et d’autre part elle augmente les niveaux cytosoliques d’AGTLC. Ces AGTLC sont alors encore plus allongés par ELOVL1, l’élongase humaine spécifique des C26 (Ofman et al. 2010).
2014: Aux États-Unis, l’état de New York initie le dépistage néonatal de l’ALD (Vogel et al. 2015). Le diagnostic précoce de l’ALD est la clé pour sauver des vies, car le dépistage néonatal permet une surveillance prospective et une intervention précoce.
2015: Aux États-Unis, le Connecticut introduit le dépistage néonatal de l’ALD. En Europe, les Pays-Bas élargissent leur programme national de dépistage néonatal de 17 à 31 maladies, dont l’ALD.
2016: Le 16 février, l’ALD est ajoutée au Panel de recommandations pour un dépistage uniforme aux États-Unis (RUSP). Aux États-Unis, California introduit le dépistage néonatal de l’ALD.
Last modified | 2019-05-08